Le 26 novembre 1974, Simone Veil monte à la tribune de l’Assemblée nationale pour défendre la légalisation de l’avortement.
Elle va faire face à des adversaires déchaînés, dans un climat d’une brutalité inouïe.
Devant une assemblée qui compte 9 femmes pour 481 hommes, la ministre s’exprime d’une voix calme, un peu tendue:
« Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300.000 avortements qui chaque année mutilent les femmes dans ce pays,
bafouent nos lois et humilient ou traumatisent celles qui y ont recours ».
« Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit de les écouter. C’est toujours un drame », assure-t-elle tout en soulignant que « l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue ». Son discours d’une heure est chaleureusement applaudi par la gauche.
La droite se tait, pour l’instant. Dans les tribunes du public, à l’inverse de l’hémicycle, ce sont les femmes qui dominent, venues en masse écouter la ministre.
Suivent alors plus de 25 heures de débats durant lesquelles Simone Veil affronte insultes et propos de « soudards », racontera-t-elle, pendant qu’à l’extérieur, des militants anti-avortement égrènent leurs chapelets. Trois jours et deux nuits de combat contre les tenants de sa propre majorité.
Après le passage de 74 orateurs, Simone Veil reprend la parole déplorant que les analogies avec le racisme scientifique des nazis. Elle dira plus tard avoir ressenti « un immense mépris ».
Le 29 novembre 1974, au cœur de la nuit, la loi est votée par 284 voix contre 189. L
Les deux tiers des députés de la majorité votent contre le texte, adopté essentiellement grâce aux voix de gauche et centristes.
La « loi Veil », est promulguée le 17 janvier 1975, autorisant l’IVG pour cinq ans . L’autorisation sera rendue définitive par la loi du 31 décembre 1979.
http://www.ina.fr/video/I07169806
Voici une chronologie du droit à la contraception et à l’avortement:
– 1810: l’article 317 du Code civil (Code Napoléon) rend l’avortement passible de prison.
Sont concernées les personnes qui pratiquent, aident ou subissent une interruption de grossesse.
Les médecins et pharmaciens sont condamnés aux travaux forcés
– 1889: Paul Robin, réformateur social, crée à Paris le premier centre d’information et de vente de produits anticonceptionnels
– 1920: loi du 31 juillet réprimant « la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle »
– 1923: l’avortement n’est plus défini comme un crime mais comme un délit par la loi du 27 mars
– 1935: le Dr Jean Dalsace ouvre à Suresnes (Hauts-de-Seine) le premier dispensaire de « birth control » (contrôle des naissances) à la suite d’un mouvement apparu aux Etats-Unis
– 1939: le Code de la famille aggrave les peines sanctionnant l’avortement
– 1942: la loi du 15 février fait de l’avortement un crime contre la sûreté de l’État, passible de la peine de mort.
Cette loi est abrogée à la Libération
– 1943: Marie-Louise Giraud, reconnue coupable d’avoir pratiqué 27 avortements, est guillotinée
– 1955: l’avortement thérapeutique est autorisé par un décret du 11 mai. Gregory Pincus,
médecin américain, met au point la pilule contraceptive qui sera commercialisée en 1960 aux Etats-Unis
– 1956: création de « la Maternité heureuse », qui deviendra le Mouvement français pour le planning familial (MFPF)
en 1960, dans le but de légaliser les moyens anticonceptionnels
– 1967: vote de la loi Neuwirth autorisant la fabrication et l’importation de contraceptifs, leur vente exclusive en pharmacie sur ordonnance médicale,
avec autorisation parentale pour les mineures, et qui interdit toute publicité commerciale, en dehors des revues médicales, ou propagande antinataliste
– 1971: le Nouvel Observateur publie ce qui sera surnommé « le manifeste des 343 salopes »,
un texte signé par 343 femmes, dont Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Catherine Deneuve, Françoise Fabian et Gisèle Halimi,
qui affirment avoir avorté et exigent l’avortement libre
– 1972: création des centres de planification et des établissements d’information.
Procès de Marie-Claire, 17 ans, défendue par Me Gisèle Halimi, à Bobigny. Ayant avorté à la suite d’un viol, elle est acquittée
– 1973: création du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC)
– 1974: la Sécurité sociale rembourse la contraception. Les mineures et les non-assurées sociales
peuvent se la procurer gratuitement et de façon anonyme auprès des centres de planification
– 1975: promulgation de la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), dite « loi Veil », adoptée pour une période de cinq ans
– 1979: une nouvelle loi sur l’IVG rend définitive les dispositions du texte de Simone Veil
– 1982: remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale
– 1991: loi permettant notamment la publicité pour les préservatifs et la contraception
– 1993: loi Neiertz créant notamment un délit d’entrave à l’IVG et supprimant la pénalisation de l’auto-avortement
– 1999: mise en vente libre de la « pilule du lendemain »
– 2001: adoption définitive par le Parlement du projet de loi Aubry sur l’IVG et la contraception allongeant le délai légal de recours à une IVG de 10 à 12 semaines;
les mineures accompagnées d’un adulte de leur choix peuvent obtenir une IVG
– 2004: autorisation d’avorter chez le gynécologue ou le médecin généraliste en prenant de la Mifégyne (la molécule RU486).
Combien de souffrances il a fallut