Qu’elle soit à la frangipane ou briochée, le mois de janvier est le mois de la galette des rois. Mais d’où vient cette gourmande tradition ?
« Le partage de la galette n’a rien à voir avec la religion. Cela faisait partie des célébrations autour du solstice d’hiver, propice aux divinations. Les chrétiens la mangent lors de l’Epiphanie et la célébration des rois mages. Cependant luthériens, calvinistes et certains catholiques se sont opposés à cette coutume païenne, comme le prouve les discours du chanoine de Senlis en 1664, qui n’approuvait pas le côté festif de la galette. » selon Nadine Cretin, historienne des fêtes spécialisée en anthropologie religieuse.
« L’élection d’un roi ou d’un gagnant remonte au moins aux Saturnales romaines. La coutume du ‘roi boit’ a été attestée dès le XIVe siècle. Et ‘tirer un roi’ était commun dès le Moyen-Age, le 5 janvier. Normalement, celui qui trouvait la fève devait payer sa tournée à la tablée. Certains prétendent que les plus avares avalaient la fève afin de ne pas payer. C’est ainsi que serait née la fève en porcelaine, pour que le ‘roi’ craigne de l’avaler. »
« La fève fait partie des symboles du solstice d’hiver. C’est le premier légume qui pousse au printemps. Surtout, ce légume, comme l’œuf, contient un embryon. En ‘vieillissant’, il donne la vie. La fève est très importante, notamment chez les Grecs -elles contenaient l’âme des morts selon les pythagoriciens- et les Romains. Ces derniers jetaient des fèves dans le dos les 9, 11 et 13 mai pour chasser les ombres des morts. »
« La taille compte aussi. La fève-légume est plate et ni trop grande -elle peut être dissimulée- ni trop petite -car elle ne doit pas être avalée. En plus, tout le monde en avait chez soi. »
« En 1875 apparaissent les fèves en porcelaine de Saxe. En 1913, celles des ateliers de Limoges. Au début, il s’agissait de poupées, puis de baigneurs puis de bébés emmaillotés, signe de fécondité. Ont suivi des symboles de chance et des animaux. Au début du XXe siècle, un Monsieur Lion lance une fève en forme de lune avec au dos le nom et l’adresse de son commerce. C’est donc la première fève publicitaire. En 1960, les premières fèves en plastique apparaissent. Moins chères, elles prennent le pas sur la porcelaine. Bien sûr, il y a eu des santons, qui permettaient de recréer une crèche. De nos jours, il n’y a plus aucun lien avec la crèche! »
« On ne sait pas comment on en est arrivés au gâteau. Mais la coutume du partage est ancienne. La pâtisserie change en fonction de la région et du pays. Ainsi au Danemark, une amande est cachée dans du riz bouilli. En France, chaque région à son gâteau: ‘gâteau des rois’ en Provence, en Aquitaine et en Languedoc, ‘pogne’ ou ‘épogne’ dans le Dauphiné, ‘garfou’ ou ‘galfou’ en Gascogne et Béarn, ‘galette des rois’ en Ile-de-France, Dreykönigskuchen en Alsace… Certains sont fourrés à la frangipane, mais d’autres sont briochés, à la fleur d’oranger, aux fruits secs… »
« Jusque dans les années 1960, l’Épiphanie était un jour férié qui tombait le 6 janvier. Le partage du gâteau était souvent célébré le 5 au soir. Mais le Vatican II (1962-1965) a décidé que l’Épiphanie serait célébrée le premier dimanche suivant le 1er janvier. De nombreux pays cependant ont conservé la date originelle du 6 janvier, comme la Pologne. En fait, c’est le partage du gâteau qui est traditionnel. Et il se fait plusieurs fois dans le mois! »
« C’est un attribut de la royauté. Il y avait des couronnes dès le XVe siècle, en plomb et étain avec dessus le nom des Mages et des fleur de lys. Or elles ne servaient pas pour ‘le roi boit’. En fait, elles protégeaient les pèlerins et voyageurs, à l’image des rois mages, leurs [saints] patrons. On n’en faisait plus lors de la Révolution! »
« Sous la Révolution française, hors de question d’élire un roi! Cependant, pas question de ne pas partager de gâteau non plus. Est donc née la ‘galette de la Liberté’ ou ‘de l’égalité’, sans fève ni roi. C’est sur ce principe qu’est célébrée au palais de l’Élysée la galette des rois, depuis Valéry Giscard d’Estaing. »